C’était un vendredi semblable aux précédents
Dans le bar enfumé de la rue St Vincent.
Le bar éclaboussait sa rituelle torpeur
De fin d’après-midi aux odeurs fatiguées.
La dame habillée chic arriva de bonne heure,
S’assit bien à l’écart, commanda son café.
*****
Elle en suivait, mutine, les minces volutes bleues
Qui se perdaient là-bas dans le rai de lumière
Où allait s’arrêter le trajet de ses yeux.
Elle sourit. Il était là, dans son halo,
Celui qu’un vendredi elle avait trouvé beau.
*****
Un rêve incohérent, la précédente nuit
Avait ébouriffé ses cinquante ans passés,
Dépoussiéré les mots, resurgi les envies,
Redonné à son corps des frissons oubliés.
*****
Elle était fascinée par cet être fragile
Dont le jour finissant redorait les cheveux.
Il lisait une lettre et bougeait ses longs cils.
Puis elle le vit sourire. Son rire était grâcieux.
*****
N’allait-il pas ce soir lui faire don d’un regard ?
Pour lui la belle dame avait changé son fard.
Vers elle il se tourna, le visage brillant.
Lui décocha, madame, un sourire éclatant.
*****
Fébrilement, la dame chic se leva,
Son rêve lui soufflant audaces et fantaisies.
Mais à peine sur pieds, Madame se rassit :
Un homme d’âge mûr, du jeune homme approcha.
*****
Ce qu’elle vit alors la surprit... la fit rire.
Un rayon de soleil venait s’interposer
Entre deux lèvres mâles intimement soudées
La belle dame chic referma son désir.
C’était un vendredi à peine plus différent
Dans le bar enfumé de la rue St Vincent.....
Rainbow 2008