Un jour vint à casser l'instrument de torture
Fouillant l'intimité de notre anatomie
Afin d'y relever toute température
Le signe avant coureur de quelque maladie.
Maman catastrophée en ce deuil si soudain
M'enjoignit d'enfourcher ma rouge bicyclette
Pour aller en quérir. Sans manifeste entrain
Je pédalai, pestant contre le thermomètre.
Lorsque je pénétrai dans la vieille officine
Je crus sentir sur moi cent mille paires d'yeux.
Je n'avais pas vingt ans et pas très fière mine
D'avoir à prononcer un mot si peu goûteux !
Puis s'approcha de moi monsieur l'apothicaire,
Le maître de ce lieu, à l'élégant maintien.
Acculée au devoir, il me fallut le faire,
Balbutiant le mot sur un ton indistinct.
L'homme me dit alors à ma grande surprise :
"Pour peau grasse ou peau sèche, que préférez-vous ?
Vite j'imaginai l'instrument que l'on glisse
Sur un type de peau d'aspect plus ou moins doux !
Eperdue, m'en remis à la grâce divine
Et m'entendis répondre "Ce n'est pas pour moi".
Je vis alors s'ouvrir la petite vitrine
Et ce qu'on me brandit eut de quoi laisser coi !!
Je n'oublierai jamais la blanche savonnette
Que l'homme me tendit dans le creux de sa main.
Je compris la méprise et de façon plus nette
Le mot de "thermomètre" à son ouïe parvint.
Le monsieur impassible ébaucha un sourire,
Rangea la savonnette et me remit l'engin.
Alors en moins de temps qu'il ne faut pour le dire
Réglai le thermomètre et fuis le magasin.
Secouée d'un fou rire, accrochée au vélo
Heureuse d'être ainsi sortie de mon impasse
Les cheveux dans le vent pédalant crescendo
J'allai vite conter mon histoire cocasse.
Moralité : ce qui se conçoit bien s'énonce clairement.
J'avais mis à l'époque, quelques mois avant d'oser repénétrer dans la même pharmacie.